Echappée culturelle – 26 mars 2020

Coup de coeur Isabelle Lefèvre – SUAC/UHA.
« Avant le confinement j’ai acheté un bouquet de roses, fanées depuis je voulais les jeter. Que nenni, coupées et mises dans un petit pot, elles me permettent de rendre hommage à Marguerite Duras qui dans ses lieux de vie était envahie de vases de fleurs séchées. »

« Un homme.
Il est debout, il regarde : la plage, la mer.
La mer est base, calme, la saison est indéfinie, le temps lent.
L’homme se trouve sur un chemin de planches posé sur le sable.
Il est habillé de vêtements sombres.  Son visage est distinct.
Ses yeux sont clairs.
Il ne bouge pas. Il regarde.
La mer, la plage, il y a des flaques, des surfaces d’eau calme isolées.
Entre l’homme qui regarde et la mer, tout au bord de la mer, loin, quelqu’un marche.
Un autre homme. Il est habillé de vêtements sombres. A cette distance, son visage est indistinct.
Il marche, il va, il vient, il va, il revient, son parcours est assez long, toujours égal.
Quelques part sur la plage, à droite de celui qui regarde, un mouvement lumineux : une flaque se vide
une source, un fleuve, des fleuves, sans répit, alimentent le gouffre de sel.
A gauche, une femme aux yeux fermés.
Assise.
L’homme qui marche ne regarde pas, rien, rien d’autre que le sable devant lui. 
Sa marche est incessante, régulière, lointaine.
Le triangle se ferme avec la femme aux yeux fermés. Elle est assise contre un mur, qui
délimite la plage vers sa fin, la ville.
L’homme qui regarde se trouve entre cette femme et l’homme qui marche au bord de la mer.
Du fait de l’homme qui marche, constamment, avec une lenteur égale, le triangle se déforme,
se reforme, sans se briser jamais.
Cet homme à le pas régulier d’un prisonnier. »

Marguerite Duras, l’amour. Editions Gallimard, 1971

A relire, à lire quand il sera à nouveau possible d’aller en librairie, en bibliothèque.

©Isabelle Lefèvre